Vivre le confinement en famille

2020-04-17

Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue

En contexte de confinement, d’isolement social, paradoxalement nous nous retrouvons très près des membres de notre famille au quotidien. De doux moments à partager ensemble, mais de grands défis d’être dans cette proximité inattendue! Nous n’avons plus notre espace physique ni notre espace de solitude. Des charges d’émotions parfois intenses, des comportements par moments explosifs, et des pertes de repères qui désorganisent. Et c’est vrai pour chacun des membres de la famille, adulte comme enfant.

Voici 20 pistes pour tenter de vivre le confinement en famille d’une façon plus fluide :

  1. Se donner une routine familiale et une structure claire. Une routine qui permet à chacun de savoir ce qui s’en vient dans la journée. Une routine prévisible, sans toutefois être rigide et contraignante. Privilégier des blocs de temps plutôt que des horaires aux heures, pour permettre une plus grande souplesse. Par exemple : de 7h à 10h, papa travaille et maman est avec les enfants, de 10h à 11h30, école à la maison tous ensemble, de 11h30 à 14h30, maman travaille et papa est avec les enfants… Un moyen de retrouver des repères qui rassurent.
  2. Faire une place aux besoins de chacun. Discuter en couple des besoins et désirs de chacun, pour éviter les frustrations et les non-dits qui peuvent s’accumuler. S’assurer d’inclure des moments et les moyens qui seront pris pour répondre aux besoins. Les besoins de chacun pourront être appelés à changer au fil des semaines; il sera sans doute nécessaire de réajuster le tir ensemble.
  3. S’accorder quelques minutes au quotidien pour faire le point. Discuter ensemble de ce qui fonctionne bien dans la routine et ce qui doit être ajusté. Cette discussion n’a pas surtout besoin d’être longue, elle permet de travailler ensemble et d’améliorer le fonctionnement familial.
  4. Abaisser nos attentes, nos standards habituels, nos exigences. Être indulgent envers soi-même et les autres membres de la famille. Il se peut que nous ne puissions pas faire les tâches que nous faisions à l'habitude, que nous soyons moins efficaces au travail. C’est correct. Se rappeler que nous vivons tous la situation actuelle et devons tous réaménager notre quotidien. Se donner le temps de s’adapter. Au fil des jours, nous pourrons réintégrer certaines activités, à notre rythme.
  5. Prioriser. En revenir à l’essentiel. Qu’est-ce que je veux prioriser en ce moment? Passer du temps en famille? Me reposer? Travailler sur un projet précis de travail qui me motive? Sélectionner et faire une place à ce qui nous semble le plus important actuellement.
  6. Offrir un espace pour accueillir les émotions de chacun. La situation actuelle fait vivre beaucoup d’émotions. Sous des comportements d’irritabilité et de colère peut se trouver une bonne dose d’anxiété. Offrir, par notre présence, un espace au sein duquel l’enfant pourra nous parler s’il en ressent le besoin. Peut-être ne le fera-t-il pas dès le début, mais l’enfant comprend qu’il sera accueilli s’il décide de s’ouvrir. Cela nous permet aussi de nous dégager émotionnellement comme parent, de mieux répondre au besoin de l’enfant. Plutôt que d’être réactif et débordé par les comportements turbulents de mon enfant, de comprendre que mon enfant ressent sans doute de l’anxiété au fond me rendra plus tolérant, plus patient et empathique. Le même processus s’applique entre les conjoints!! Le conjoint grognon aujourd’hui ressent peut-être au fond beaucoup d’anxiété que je peux accueillir plus facilement si j’en prends conscience.
  7. Ne pas se mettre la pression de faire l’école à la maison. Si les parents en ont l’opportunité, il peut être intéressant de planifier une période d’école à la maison, sans que ce soit long. Cependant, tous n'ont pas cette possibilité actuellement. Il n’est pas nécessaire de reproduire le cadre scolaire et de chercher à stimuler l'enfant par toutes sortes d’apprentissages académiques. Garder en tête que la plupart des activités que l’enfant fera dans sa journée seront de riches sources d’apprentissages : cuisiner (apprendre à cuisiner + possibilité d’apprendre les fractions et les mesures + lire les ingrédients), écrire la liste d’épicerie, se responsabiliser en faisant des tâches ménagères, jouer aux échecs, bricoler, trouver des jeux éducatifs en ligne (géographie, mathématiques…), lire, aller jouer dehors. En allant avec les intérêts de l’enfant, cela permet d’alimenter le plaisir d’apprendre.
  8. Ne pas se mettre la pression de devoir être disponible en tout temps, de devoir être un animateur de camp de jour pour les enfants. Encourager certains moments durant lesquels l’enfant joue par lui-même de façon autonome. L’autonomie est un besoin essentiel à soutenir.
  9. Ne pas craindre l’ennui de l’enfant. Si l’enfant est suffisamment stimulé dans sa journée, l’ennui qu’il vit à certains moments lui est bénéfique. C’est de l’ennui que pourra émerger sa créativité. En résultera des idées souvent très amusantes, riches et créatives!
  10. Importance d’avoir des moments pour soi. Il importe de s’accorder des plages horaires de solitude, moment lors duquel le parent n’est pas le principal adulte en charge des enfants. Cela permet aux conjoints de se relayer. Pour les parents en situation de monoparentalité qui n’ont pas de relais possible, veiller à bloquer des moments de solitude, même brefs. En le planifiant dans la routine, cela permet aux enfants de savoir à l’avance que ce sera un moment de repos, de jeu seul ou avec la fratrie. Être créatifs pour trouver un tel temps : l’enfant peut converser via internet ou par téléphone avec un grand-parent ou écouter une histoire audio par exemple.
  11. Prendre le relais au besoin. Si on sent qu’un des conjoints est momentanément débordé émotionnellement, qu’il en a assez, prendre le relais, ne serait-ce que quelques minutes. Cela permet au conjoint de reprendre son souffle et d’éviter les débordements émotionnels.
  12. Aménager l’espace pour que chacun se sente bien. Désencombrer la maison, plutôt que de voir les objets traîner et devoir ranger constamment, ce qui peut être source de nombreux conflits. S’assurer que chacun puisse avoir un espace personnel pour pouvoir être seul au besoin. Ça n'a pas besoin d'être une pièce comme tel, mais au moins un coin où on peut être seul.
  13. Se mettre en action. L’action nous permet de diminuer notre niveau d’anxiété. Réaliser un projet, faire des choses qu’on ne prend pas le temps de faire habituellement (par exemple, ménage du garage, réparation de la porte d’armoire), développer un intérêt, une passion, prendre le temps d’apprendre. Attention de ne pas verser dans la fébrilité et dans l’éparpillement, ce qui ne ferait qu’alimenter notre anxiété.
  14. Planifier des moments de jeux en famille, pour s’amuser, décompresser, avoir du plaisir. Les effets sont bénéfiques pour tous les membres de la famille!
  15. Bouger. Faire de la course, du vélo, des parcours, de la danse, des jeux actifs qui permettent de dépenser de l’énergie et d’augmenter le niveau de bien-être psychologique. Bouger aussi comme parent, les bienfaits sur la santé psychologique sont les mêmes!
  16. Aller jouer dehors. Respirer, prendre l’air. Le contact avec la nature permet de diminuer notre niveau d’anxiété et d’augmenter notre bien-être.
  17. Briser l’isolement. Alimenter le contact virtuel de l’enfant avec ses proches. Des rendez-vous prévus à l’avance sont intéressants pour permettent aux enfants de savoir quand ils seront en contact avec tel ami, ce qui est rassurant et rend l’attente plus agréable. Bénéfique pour l’enfant et pour le parent (qui peut profiter d’un espace de temps salvateur!). Penser à mettre sur pied un groupe d’échange entre les élèves d’une même classe ou entre les enfants d’un groupe parascolaire. Les enfants peuvent ainsi se partager des photos, des vidéos et des messages, ce qui permet de maintenir le lien entre eux.
  18. Utiliser les ressources électroniques, de manière dosée. Bien que pas absolument nécessaire, le recours aux écrans, peut être pertinent actuellement. De façon dosée. De nombreuses ressources électroniques éducatives très bien élaborées sont disponibles : vidéos explicatives de dessins, entraînement de yoga et de danse, jeux d’échec en ligne, apprentissage du clavier, capsules informatives, histoires racontées, et tant d’autres. Plusieurs de ces ressources permettent une base pour créer bricolages, réalisations et projets par la suite. Définir un cadre clair et prévisible pour que l’enfant sache quand peuvent avoir lieu les périodes d’écrans.
  19. En profiter pour responsabiliser les enfants au sein du fonctionnement familial. Expliquer aux enfants que dans le contexte actuel, nous avons à travailler ensemble pour que le quotidien se passe d’une façon agréable en famille. Cela peut être l’occasion de responsabiliser les enfants à participer au bon fonctionnement dans la famille. S’adapter à l’âge de l’enfant et le faire dans un contexte ludique. Par exemple, on identifie à l’avance les tâches quotidiennes à faire après le souper, on pige les noms pour savoir qui fera quoi : « Papa fera la vaisselle avec frérot, maman passera le balai et sœurette sortira le compost et le recyclage. » Nouvelle pige demain! Une façon de se sentir impliqué et de travailler en équipe.
  20. Se rappeler que nous vivons tous la situation actuelle, dans chaque famille. Chaque famille à sa façon. Chacun à notre façon. Le confinement actuel est une situation temporaire qui prendra éventuellement fin.

Il ne sera sans doute pas possible de mettre toutes ces pistes en application; attrapez-en quelques-unes au passage si cela peut être pertinent pour vous et s'adapter à votre situation familiale.

Dre Geneviève, psychologue

INFOLETTRE
Pour être informé de mes dernières nouvelles, publications, vidéos, conférences, etc.