Les voix intérieures qui pèsent lourd

2020-02-01

Dre Geneviève Beaulieu-Pelletier, psychologue

La voix en toi qui te critique.
Celle qui ne te trouve jamais à la hauteur.
Cette voix qui est si souvent insatisfaite de toi, toujours déçue.
Cette voix qui te fait porter le poids de la culpabilité de ne pas avoir été «assez».

Ces voix nous fragilisent. Moindrement qu’on réussit à oser, elles nous ramènent à l’ordre avec une horde de jugements. Elles s’immiscent sournoisement en soi et elles y demeurent. Elles alimentent nos ruminations, ces pensées qui tournent en boucle dans notre tête.

Ces voix sont le vestige de nos identifications passées.
Les identifications aux figures importantes qui ont jalonné notre parcours : on pense surtout aux parents, mais on peut inclure aussi les grands-parents, tuteurs, éducateurs, professeurs, superviseurs...
On a emmagasiné leurs exigences envers nous, leurs propres espoirs déchus qui ont été déposés par la suite en nous, leurs critiques et leur amour conditionnel par moments.

Identification à un parent critique.
À un parent qui ne se faisait pas confiance.
À un parent narcissique qui ne peut tolérer de nous voir briller plus que lui.
Identification à un parent qui n’a pas réussi à réaliser un rêve, rêve déçu dont on devient le porteur.
Identification à un rôle, par exemple celui d’être une personne qui doit prendre soin des autres ou celui qui doit rester fort.

Ça peut se traduire de multiples façons :
Tendance à se rabaisser.
S’épuiser à force de vouloir en faire trop.
Auto-sabotter des projets auxquels on tient.
Se mettre des exigences très élevées afin d’atteindre les standards des autres.
Dévaloriser les autres pour sentir qu’on est meilleur.
Indécision paralysante face à plusieurs désirs et demandes.

Bien souvent, ces identifications sont subtiles et on n’en est pas directement conscient. On se « sent mal » ou on hésite trop, sans savoir pourquoi.
On sent en nous une pression, un conflit, mais on n’arrive pas à mettre le doigt dessus.

On porte ces identifications en soi, même si le parent ou la figure d’attachement n’est plus là pour les incarner et nous les faire porter. Elles nous accompagnent et font pression, influençant nos prises de décision, nos comportements et nos émotions. Elles alimentent la culpabilité, le découragement et la colère.

Ces voix qui te critiquent et te pèsent, tu peux apprendre à leur parler, en commençant par écouter ce qu’elles essaient d’exprimer.

On peut d’abord essayer de les mettre en mots.
Quelle est la critique ressentie? Quels mots nous viennent pour la décrire?
Spontanément, à quoi ça nous fait penser? À quels souvenirs? À qui?
S’intéresser aussi au vécu de la figure à qui on s’est identifié. Par exemple, explorer le potentiel sentiment de vulnérabilité enfoui chez un parent critique ou encore le vécu de rejet face à un espoir de carrière non atteint.

C’est un travail qui peut paraître simple, mais ça demande une réelle réflexion. En fait, DES réflexions. Des moments pour nous permettre d’explorer nos peurs, nos angoisses de bien réussir, tout comme les angoisses de ne pas réussir. Connecter avec ce que ça nous fait viscéralement ressentir.

Comprendre comment ces voix se sont forgées en soi nous permet éventuellement de nous en distancier.
De remettre à l’autre la part qui lui revient.
De ne plus accepter de porter le rêve déchu du parent.
De ne plus prendre en soi la culpabilité d’un parent qui portait lui même une identification d’être celui qui prend soin des autres.
De départager ce qui est notre soi authentique de toutes les identifications qui s’y sont greffées.

Dans un premier mouvement, on sera sans doute porté à rejeter ces identifications avec colère et mépris. On en voudra aux autres de nous avoir fait croire que nous devions être et agir de telle façon. Peu à peu, à force de comprendre comment leur bagage personnel et leurs défenses face à leur propre vulnérabilité et souffrance ont alimenté leur façon d’être avec nous, on pourra développer un regard nouveau sur eux. Il nous sera alors possible d’accueillir avec plus de compassion ce qu’ils nous ont imposé souvent malgré eux. En comprenant que cette souffrance ne nous appartient pas, qu’elle est la leur, et que nous ne pourrons pas panser les plaies de leur souffrance. En accueillant et en acceptant que ces autres ont souffert et nous ont fait souffrir, nous ressentirons le pouls de cette souffrance et serons plus à même de la transformer. La transformer au-delà de ce qu’ils auront pu faire, plutôt que de seulement la porter.

Je t’invite à faire le tri parmi ces voix. À identifier et rejeter celles qui ne t’appartiennent pas et auxquelles tu ne t’identifies pas réellement. Refuser de faire partie de la pièce de théâtre qui a été tracée pour toi, refuser le rôle qui t’a été imposé et choisir une nouvelle pièce. Lorsque les pensées de culpabilité, de pression ressentie et d’inadéquation referont surface, tu pourras te rappeler que ces pensées ne sont pas les tiennes et qu’il s’agit d’un spectacle passé. Tu pourras redevenir l’acteur de ta propre pièce, celle que tu auras réellement choisie.

Dre Geneviève, psychologue

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